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Carnet de voyage d'un cinéphile QUATRIÈME ESCALE


Introduction


Qui n'aime pas voyager ? Certes certains ne peuvent ou ne veulent pas quitter la région qui leur est chère, mais qui n'aime pas découvrir ? Car si la découverte de l'étranger se fait par le voyage, celui ci ne nécessite pas forcément de déplacement. À l'heure actuelle, une simple connexion internet permet de découvrir tout ce qui peut vous intéresser sur une culture nouvelle. Un clic curieux sur une notion inconnue et tout un horizon insoupçonné se découvre subitement. Nous pouvons ainsi nous plonger dans la littérature, la musique, la peinture ou encore, ce qui va m'intéresser ici, le cinéma du monde entier. C'est aujourd'hui dans une ville hautement troublée et marquée par la dualité de sa culture et un cinéma unique que je me rend : Hong-Kong

Avertissement : regardez les films avant de lire la suite si vous voulez vraiment les découvrir, je vais parlez des films jusque dans certains détails et possiblement la fin. Vous êtes prévenus.



Hong-Kong, Infernal Affairs d'Andrew Lau et Alan Mak

Le cinéma hongkongais est un cinéma que je connais trop peu. Si enfant j'ai vu passer quelques films occidentaux avec Jackie Chan (dont Le Tour du monde en 80 jours, donc Jules Verne et Jackie Chan ont partagé la même affiche) et, par hasard, La Fureur du dragon avec Bruce Lee, la culture hongkongaise ne me parvenais qu'à travers des œuvres s'inspirant de certains aspects tel que Matrix. Il y a peu j'ai décidé de me pencher sur ce cinéma : j'ai vu Time and tide de Tsui Ark (qui donne envie de voir le reste malgré un bilan assez ombragé), je me suis procuré Chunking Express de Wong Kar-wai et j'ai vu le film dont Les Infiltrés, un de mes films préférés, est le remake : Infernal Affairs.


Pour dominer la police dans une lutte pour la maîtrise de Hong-Kong, Sam, chef d'une triade, envoie des hommes infiltrer la police, notamment Lau Kin Ming. De son côté, le commissaire Wong envoie Chang Wing Yan infiltrer la triade de Sam. Tout deux vont monter dans leurs hiérarchies respectives alors que la police et la triade se rendent compte qu'une taupe les a infiltré. Toutes deux enquêtent donc sur leurs équipes tandis que Lau et Chang font face à leurs démons. Tout se joue à qui démasquera l'autre en premier sans se démasquer soi-même.



On aura loué le film pour deux qualités majeures : son écriture et ses acteurs. Qui a à redire quoi que ce soit sur Le scénario de Infernal Affairs ? Deux trames parallèles se tournent autour, se regardent face à face, descendent dans deux spirales concentriques, inévitablement destinées à se rencontrer en un choc brutal. Lau, superbement interprété par Andy Lau, est un agent respecté, un homme marié à une psychologue et l'infiltré privilégié de Sam par sa position dans la hiérarchie de la police, mais profondément seul dans un monde où il ne s'attacher à personne au risque de les laisser tomber à répétition. Chang, brillamment interprété par Tony Leung, est un homme qui a tendance à s'emporter, développant une addiction aux médicament et voyant une psychologue, mais le seul digne de confiance selon Wong pour jouer sur les deux tableaux et selon Sam pour devenir son confident. Leurs problèmes et leurs rapports à leurs environnement respectifs sont en reflets (les mêmes mais en inversés), tout comme leurs passés et environnements, mais ils sont tout de même assez proches pour deux choses : leur capacité à mentir et la psychologue. Tout deux aiment la même femme : l'un doit la quitter pour la police et la triade, l'autre est obligé de la voir mais essaie de la rencontrer toujours plus, le premier est son mari, le second son amant (dans le sens qu'il l'aime en secret). Là encore se retrouve le reflet de l'un par rapport à l'autre. Mais ce qui les fait se rencontrer, c'est leur recherche respective de la taupe grâce au même moyen : séduire le seul au courant de l'identité de l'infiltré.


Le rapport entre ces deux hommes ne peut qu'amener à réfléchir sur celui qu'entretient la police avec la mafia. La méthode est en effet similaire : l'envoi d'une taupe. Les méthodes des taupes sont les mêmes, on apprend les coutumes dans une école (policière et de la truande), on gravit les échelons, on trahit ses collègues et on se rapproche du sage qui domine. Cependant, les conséquences sur celles-ci sont les mêmes : la solitude. Lau s'éloigne de sa femme et ne peut se confier à personne, feignant un attachement à ses collègues et courant après ses obligations auprès de Sam et de Wong. Chang a les mêmes problèmes que Lau à la différence, mais au-delà de sa solitude, il n'existe pas en dehors de ses rapports avec Wong. Toute trace de lui a été effacé afin de le rendre intraçable, mais il en perd son identité. Mais lui, il se rapproche de la femme de Chang (reflets jusqu'au bout). D'ailleurs, tous deux ne vont pas réussir à éliminer la tête de l'organisation rivale, ce sera la faute du contact infiltré. Chang, se sentant en danger, demande à Wong de le retrouver en haut d'un immeuble, permettant au hommes de Sam de l'éliminer. Cependant, Lau va aussi se sentir en danger, en danger de trahison de la part de Sam. Il va le trahir, permettant à la police de démanteler son réseau et à lui-même de l'éliminer, effaçant toute trace de sa collaboration avec la triade. Ces relations tendues entre police et triade est sans doute un reflet de la peur de certains dans les premières heures de l'ère post-britannique de Hong-Kong, rétrocédé à la Chine 5 ans auparavant dans une tension qui n'a fait qu'accroître avant d'atteindre les conséquences que l'on connaît aujourd'hui. Et ce rapprochement atteint son paroxysme lorsque Sam et ses associés proches se retrouvent en garde à vue face à face avec Wong et ses officier, se montrant extrêmement proches l'un de l'autre dans leur manière d'être et de faire.


Mais si il y a une chose qu'on a tendance à oublier, c'est la majesté de la réalisation. Les images sont d'une noblesse étonnante si on le voit après Les Infiltrés : chaque plan filmé avec grandeur dans Infernal Affairs est transformé en brutalité. Le personnage de Sam, chef charismatique, devient Franck Costello, beaucoup plus terrifiant et mentalement instable. Au personnage de Wong, devenu le capitaine Queenan, on ajoute un second, le franc, direct et au langage cru sergent Dignam. Quand dans Les Infiltré, Queenan retrouve Billy Costigan et est assassiné par les hommes de Costello, c'est sur le toit d'un petit immeuble abandonné, la caméra est portée, la mort est brutale et le corps est laissé sur place sans cérémonie. Dans Infernal Affairs, c'est sur le toit d'un gratte-ciel encore utilisé, la caméra est majoritairement fixe et les mouvements sont propres, lors de la mort de Wong, un flash-back aux couleurs dorées lui est accordés, et la police au sol tente de récupérer le corps. Le déroulé est exactement le même, mais toute l'ambiance est radicalement différente. Il en est de même pour la plus célèbre scène d'Infernal Affairs : la rencontre sur le toit. Dans Les Infiltrés, elle est brutale, Costigan brutalise Sullivan, la vue est bouchée à cause de la petite taille du bâtiment et on reste proche des personnages en caméra portée. Dans Infernal Affairs, la rencontre est calme et tendue : certes Lau est menotté et menacé par Chang, mais tout se fait doucement. On film l'arrivée de Chang sur le reflet du gratte ciel à côté de l'immeuble où il arrive. Malgré l'absence totale d’endroit où se cacher, Chang surprend Lau en lui déposant le canon de son pistolet dans le dos et apparaît caché par Lau lui-même. Le dialogue est calme tandis que les plans révèlent la baie de Hong-Kong visible au-delà du toit. Et même quand Chang pose le canon de son pistolet sur le front de Lau, le plan est large, les personnages sont immobiles et la caméra s'éloigne en les filmant en plongée. La beauté et la majesté de ces scènes sont présentes tout le long du film, le rendant si particulier pour un spectateur occidental habitué aux films de gangsters bien plus brutaux, cependant, ici, l'enquête et la tension prennent le pas sur la violence.


Le cinéma hongkongais a l'air extrêmement intéressant et j'ai hâte d'y retourner. Les idées qu'ils ont sur les genres que l'on partage dans nos cinémas sont à la fois si proches et si éloignées, à la fois ancrés dans des environnements et des thématiques occidentales et teintés par la vision chinoise de l'art ainsi que par certaines thématique bien plus présentes en orient. C'est un endroit du monde qui mérite que l'on se penche dessus, encore plus aujourd'hui. Quand à mon avis, si il ne vous intéresse pas ou qu'il vous déçoit, vous agace, vous énerve, vous révolte, vous fait pitié, qu'est-ce que vous voulez que je vous dise : restez chez vous, imprimez-le, et torchez-vous avec. Pour ma part, je décide de rester dans le secteur pour rêver un peu, les yeux tourner vers l'aube sur le pacifique.

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