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« Carnet de voyage d'un cinéphile » PREMIÈRE ESCALE


Introduction


Qui n'aime pas voyager ? Certes certains ne peuvent ou ne veulent pas quitter la région qui leur est chère, mais qui n'aime pas découvrir ? Car si la découverte de l'étranger se fait par le voyage, celui-ci ne nécessite pas forcément de déplacement. À l'heure actuelle, une simple connexion internet permet de découvrir tout ce qui peut vous intéresser sur une culture nouvelle et un clic curieux sur une notion inconnue et tout un horizon insoupçonné se découvre subitement. Nous pouvons ainsi nous plonger dans la littérature, la musique, la peinture ou encore, ce qui va m'intéresser ici, le cinéma du monde entier. Je vous invite à découvrir ou redécouvrir neuf films de neuf pays différents, et pour démarrer en douceur, partons vers un cinéma proche de chez nous et commençons le voyage comme il se doit, c'est à dire avec des bières, des potes et une comédie britannique.


Avertissement : regardez les films avant de lire la suite si vous voulez vraiment le

découvrir, je vais parler des films jusque dans certains détails et possiblement la fin.

Vous êtes prévenus...



La comédie britannique est souvent résumée à l'absurde intellectuel, représenté notamment par la troupe des Monty Python. Certes, rarement une troupe comique n'a été si importante dans l'univers du comique à l'échelle du cinéma international et n'est devenue aussi culte, mais ce serait oublier l'éventail comique de l'outre-Manche, allant de cet humour absurde et intellectuel à un humour beaucoup plus burlesque et premier degré représenté par l'acteur Rowan Atkinson. Mais ici nous nous pencherons sur notre XXIe siècle, avec un cinéaste dont le premier succès critique et populaire est sorti en 2004 : Edgar Wright.



Avec 6 longs métrages à son actif, il marque ses comédies par un mélange des genres et des styles. Son second long-métrage, Shaun of the Dead, mélange comédie, histoire d'amour et zombies, tandis que son dernier en date, Baby Driver, mélange film musical, d'action et de course poursuite. Mais aujourd'hui, je vous invite dans son mélange le plus improbable mais sans doute le plus intéressant, un mélange de comédie, de science-fiction et de teen movie sur des trentenaires presque quadragénaires, Le Dernier pub avant la Fin du Monde.



Newton Haven, petite ville de campagne anglaise, 1990 : un groupe de potes décident de fêter la fin du lycée en effectuant le barathon de la « Voie Maltée » : un plan, cinq jeunes, douze pubs, soixante pintes. La bande se compose de l'occupé Oliver Chamberlain, du faiblard Peter Page, du sympathique Steven Price, du cool Andy Knightley et du roi Gary King. Ils échouent cependant au neuvième bar et sont séparés par la vie. Mais Gary, vingt ans plus tard, quitte son groupe de soutien pour alcooliques et va convaincre chaque membre de la bande de quitter leur vie d'adulte pour un nouvel essai, et l'intention ferme de le transformer : rien ne doit changer, même bagnole, mêmes bars, même bande. Mais une modernisation et surtout uniformisation de la ville semble présager d'une présence insidieuse s'étant glissée à Newton Haven.

Le film est toujours du pur Edgar Wright : comique dans un montage vif et percutant, comique dans des dialogues portés par un rythme soutenu et des acteurs parfaitement dirigés (en particulier dans ce film), comique dans des corps que l'on malmène voire détruit, bref, on rigole encore. Mais pourtant, ce n'est pas le plus drôle, c'est même le moins amusant de ses films. C'est sans doute pour cela que c'est le moins cité de la « Trilogie Cornetto » (Shaun of the Dead, Hot Fuzz et Le Dernier pub), et peut-être le moins apprécié. Il est pourtant extrêmement bon et intéressant, car si des trois Hot Fuzz est le plus décomplexé dans sa comédie, et pour moi de loin le plus drôle, Le Dernier pub est le plus touchant (désolé Shaun), car il ne faut pas oublier que si Wright réalise des comédies, il y a un but derrière : nous apprendre à concilier deux aspects semblant opposés de notre propre vie. Quand Shaun of the Dead nous apprend à concilier les amis et le couple et Hot Fuzz ses responsabilités professionnelles et sa vie sociale (jusqu'au sein du lieu de travail), Le Dernier pub nous apprend de son côté à concilier l'héritage du passé et réalité du présent.




On peut dans cette optique étudier les personnages de Gary et Andy : le premier est prisonnier du passé et le second esclave du présent, et tous deux en sont usés. Andy est marié, a un bon travail et a arrêté de boire, mais plus le film avance, plus il devient agressif, notamment envers Gary qui lui a menti pour le faire venir, et quand le danger apparaît, il se remet à boire, révélant sa frustration et même que son mariage tout comme sa vie ne sont plus heureux du tout, mais il continue de se battre.


Gary est seul, libre, il boit et veut revire sa gloire d'adolescent, il reforme donc sa bande qu'il n'a pas vu depuis vingt ans et enchaîne les pintes, même quand sa vie est en péril, il boit envers et contre tout une pinte par pub, jusqu'à détruire ceux qui l'accompagne, car ce souvenir, ayant raté sa vie et la désintoxication un enfer, c'est tout ce qu'il lui reste.


Ce fameux danger qu'il vont devoir fuir, quant à lui, est une figure classique du film de science-fiction mais son traitement est assez novateur : un envahisseur insidieux. Une espèce extra-terrestre remplace peu à peu les habitants de Newton Heaven par des répliques parfaites droites dans leur morale, et si on adopte un mauvais comportement, on vous enlève par la force ou le charme et on vous remplace. Et si on pouvait avoir encore cette métaphore de la société uniformisante comme on peut l'avoir vu cent fois, et bien on l'a une cent unième, mais l'originalité de cette métaphore est la norme choisie : le passage au comportement adulte. Ce qui est vraiment intéressant est que ce sont ceux qui ont été remplacés qui perpétuent ce changement violent dont ils ont été victimes et qu'ils ont admis comme normal. Ainsi, lorsqu'ils commencent à enchaîner les pubs, ils sont de moins en moins bien vus et lorsque vient la bagarre, on essaie de les remplacer. Le premier a être remplacé est Oliver qui, juste après être surpris et choqué, n'est pas difficile à convaincre, se comportant déjà comme un adulte dans son adolescence. Le second est Peter qui, après avoir surmonté son traumatisme de jeunesse, se sent prêt à entrer dans ce monde et d'avancer dans sa vie d'adulte. Comme on l'a vu, Gary est incapable de se détacher du passé et Andy est malheureux dans sa vie d'adulte, ils ne sont donc pas remplacés, mais Steven non plus. Lui non plus n'est pas heureux dans sa vie d'adulte, mais il trouve le bonheur dans son amour de jeunesse, Sam, la sœur d'Oliver que Gary lui a piqué seulement le temps d'un coup dans les toilettes des handicapés 20 ans plus tôt (oui, cette même soirée dont il est si fier), il finit donc lui-même, heureux dans son présent d'adulte, en paix avec un passé qu'il embrasse.



Comprenez-vous pourquoi j'aime tant ce film que je considère comme malheureusement mal aimé ? Si oui, découvrez-le le plus rapidement possible pour comprendre ce que je raconte ou redécouvrez le sous cette optique que je n'ai fait que mettre en lumière pour vous. Si non, découvrez-le le plus rapidement possible pour comprendre ce que je raconte ou redécouvrez-le avec cet angle qui vous était insoupçonné. Si vous le considérez comme le moins bon des « Cornettos », laissez-lui une seconde chance, car si vous n'avez jamais pensé à ce que je vous ai présenté, il est toujours bon de voyager vers un pays qu'on connaît déjà avec un regard différent. Et si vous y avez pensé, regardez-le à nouveau par plaisir, car on ne peut faire une overdose d'Edgar Wright. Et si mon avis ne vous intéresse pas ou qu'il vous déçoit, vous agace, vous énerve, vous révolte, vous fait pitié, qu'est-ce que vous voulez que je vous dise : restez chez vous, imprimez-le, et torchez-vous avec.


En attendant, moi, je reprends le ferry, et que ce qui veulent me suivent pour mon retour sur le continent.



Article de Arthur Picou pour Méga.Média

(saison Mo(o)n Label 19/20

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